Interactions dans une partie de jdr – pt.1

Attention, jeunes (et moins jeunes) lecteurs, je viens de rentrer dans une zone à visibilité réduite. En deux mots, je théorise comme je pense. Ou plutôt, j’essaie de synthétiser des trucs qui trotte dans la tête et je teste tout le toutim. Tic tac. Disclaimer: je vais peut-être réinventer le fil à couper le beurre. 

Histoire d’être parfaitement transparent avec vous, mon postulat de base, c’est qu’il y a des choses qui se passent « pendant une partie » qui ne sont pas dans le livre des règles, sont peu, mal, voire pas comprises (en tout cas par moi), qui nourrissent le plaisir tiré de ladite partie. Par exemple, les échanges entre le Récit et les règles. On est d’accord que l’un nourrit l’autre, et que quand les règles sont adaptées au type de Récit, on prend plus son pied. Autre exemple, quand le courant passe entre les joueurs, qu’on « s’entend tous bien ensemble autour de la table », on passe aussi un meilleur moment. Ou encore, quand le Canevas intègre le Récit à point nommé (surprise, cliffhanger, révélation, etc.), ça augmente fort le niveau de plaisir du jeu. 

Ces « choses qui se passent », appelons-les des interactions.
J’ai fait un joli diagramme pour faire l’inventaire de toutes ces interactions. Comme ce blog ne fournit pas les aspirines (mais bien les maux de têtes!), je vous le présente étape par étape.

Première loi du jdr, dite de Baker: le jeu de rôle sur table est une Conversation entre Joueurs. Conversation qui raconte l’histoire de leurs avatars.
C’est notre première interaction: les Joueurs créent le Récit par la Conversation. La Conversation n’est pas le Récit et vice-versa. 

La Conversation est un élément réel, quelque chose qui se passe à la table de jeu

Le Récit est purement fictionnel, il n’a aucune réalité dans notre univers matériel. Ailleurs? Je sais pas, c’est possible.

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Interaction #1: Les Joueurs créent le Récit. Le Récit influence les Joueurs.

La Conversation détermine quels éléments imaginés par les Joueurs intègrent le Récit. Typiquement, les actions/éléments fantômes de Coralie David, c’est-à-dire des éléments qui sont rejetés par les Joueurs au travers de  la Conversation et n’intègrent pas le Récit, sont une manifestation exemplaire de cette interaction. 

Par réaction, le Récit influence les Joueurs. Les émotions ressenties par les joueurs, les décisions tactiques, la théâtralisation du Récit, qui est un truc qui se passe au niveau des Joueurs, sont des émanations de cette interaction. 

La Conversation et le Récit sont des processus continuellement évolutifs. Il est impossible de prédire exactement comment ils vont évoluer. Chacun peut avoir sa petite idée. Mais l’interaction sociale se charge de modifier tout ça fort vite.

Cette interaction #1 est primordiale car:

  • elle fixe le contenu du Récit;
  • elle est intrinsèquement démiurgique (elle décide ce qui est et ce qui n’est pas);
  • elle influence directement le cours de la partie;
  • elle provoque des émotions chez les Joueurs;
  • elle provoque la prise de décisions des Joueurs (et j’ai déjà dit l’importance que cela a à mes yeux).

Comme vous l’avez deviné ci-dessus, je fais une différence entre ce qui se passe à la table de jeu (le Réel) et ce qui se passe dans l’univers fictionnel (le Virtuel). Attention, il ne s’agit pas d’une distinction entre éléments matériels et immatériels. La Conversation est un élément matériel: pas de sons sans molécules de gaz pour les porter. Même les non-dits existent sous la forme d’impulsions électro-chimiques dans votre cerveau. Capiche?

Intéressons-nous donc au Réel. Je le divise en trois éléments

  • les Joueurs
  • l’Imaginaire,
  • les Règles (dans l’acceptation des mécanismes ludiques et uniquement ceux-ci). 
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Ces trois éléments génèrent autant d’interactions entre eux.

Interaction #2: Les Règles disent aux Joueurs ce qu’ils peuvent faire et comment. Les Joueurs mettent en oeuvre les Règles.

C’est biesse comme tout, évident comme le nez au milieu de la figure et tellement consensuel que je ne devrais même pas en parler. Sauf que je suis à peu près sûr que vous avez mal compris ce que j’entends vraiment par là. Je n’ai pas écrit: « Les Règles disent ce que les avatars des Joueurs peuvent faire et comment ». C’est une toute autre interaction, entre les Règles et le Récit! Il s’agit ici de dire comment effectuer un lancer de dés, un tirage de carte, une mise, etc. Et comment on lit/applique le résultat.

Lancez 2d6 et ajouter la valeur de votre caractéristique. Sur 10+, c’est une réussite. Sur 7-9, c’est une réussite partielle. Sur 6-, le Meneur fait une Action méchante.

Cette interaction régit donc tous les aspects techniques d’une partie de jeu de rôle. Si vous aimez les parties tactiques en diable, cette interaction demandera aux Règle une prise en compte de nombreux facteurs, et probablement des calculs complexes (mais pas forcément difficiles). Si vous désirez facilité et adaptabilité, cette interaction sera régie par des Règles simples et souples. À moins de jouer by the book et de s’y tenir, les Joueurs peuvent adapter les Règles d’un commun accord pour modifier ce qu’ils peuvent faire et comment. Cette interaction régit donc les arbitrages nécessaires en jeu (le rulings not rule si cher au mouvement OSR).

Interaction #3: Les Joueurs créent un Imaginaire commun qui leur sert de référentiel. L’Imaginaire stimule la créativité des Joueurs.

C’est assez évident pour les jdr à monde émergent. C’est tout aussi vrai pour ceux qui ont un monde largement développé avec moult détails car l’Imaginaire sera nourri des éléments de ce monde qui sont collégialement acceptés et intégrés pour la partie de jdr. La créativité des joueurs s’exprime par l’apport d’éléments neufs, mais également par l’utilisation des éléments déjà intégrés à l’Imaginaire. Préciser un élément, le lier à d’autres, c’est l’utiliser. 

Je sais pas vous, mais la stimulation de la créativité, c’est un truc qui me fait revenir encore et encore au jdr. Un peu comme quand Victor Hugo disait que l’imagination, c’est l’intelligence qui prend son pied. Je crois que cette stimulation, et le plaisir afférent, c’est le truc qui explique pourquoi je reviens sans cesse à certains type d’univers et que d’autres me laissent assez froid.

Interaction #4: L’Imaginaire appelle des Règles. Les Règles contraignent l’Imaginaire.

Petit rappel pour les trois du fond qui jouent sur leur smartphone, on ne parle toujours pas de l’influence des Règles sur le Récit. Ici, on dit que l’intégration d’éléments dans l’Imaginaire appelle l’application de Règles. Si vous avec des sabres lasers dans votre univers, vous appelez les Règles qui les régissent, ne fut-ce que leurs caractéristiques techniques. 

Sabre laser: Corps-à-corps, Rapproché, +1d6 Dégâts, Salissant, Précis, Ignore l’armure

Si vous avez un Joueur qui incarne un pilote, vous faites un appel de pied grand comme ça à des règles de crash. Si c’est un starfighter, à des règles de pilotage au milieu d’une ceinture d’astéroïdes. Le déclencheur vient du Récit (monde virtuel), certes, et nous y reviendrons.


Bon cet article est déjà bien assez long comme ça. On attaquera les éléments du Virtuel la prochaine fois. Bientôt, promis!