Le bac-à-sable: partie 5

L’art de l’improvisation (première partie)

Dans son exposé, John Grümph divise l’improvisation en trois “modes”. J’ai renommé et remis le premier, qu’il appelle “Construction”, à ma sauce pour qu’il soit plus cohérent avec ce que j’entends derrière le terme improvisation. Ne vous en faites pas, vous n’avez rien perdu car ce que John dit de la Construction est déjà discuté dans la partie Construction du Canevas.).

Mais, allez-vous me dire, qu’est-ce que tu entends par “improvisation”. C’est le processus par lequel le rôliste (Meneur ou Joueur) crée ou produit du Contexte et/ou du Canevas spontané/s, imaginaire/s ou ex nihilo, en se servant de sa créativité, de son savoir technique et théorique et parfois aussi du hasard. (Ce n’est pas un hasard si c’est très proche de la définition de wikipédia de l’improvisation musicale.)

Je n’ai pas nommé cette partie “l’art de l’improvisation” par hasard. Je crois sincèrement que l’improvisation est un art et se compose donc de 10 % de don (la créativité) et 90% de travail (la théorie et la technique). La créativité se nourrit directement à la source de la culture générale. Plus vous étendez votre culture générale, votre “bibliothèque interne”, plus votre don, quel qu’il soit, aura facile de faire des associations spontanées et donc plus vous improviserez facilement. Tout ce que je pourrais vous en dire de plus, ce serait de la psychologie de bas étage, et je suis très mauvais à ça.

Pour le travail, par contre, vous pouvez faire confiance à Capitaine Stakhanoviste!

Les trois modes théoriques de l’improvisation

  • Intégration: quand le Meneur intègre un élément de Contexte ou du Canevas dans le Récit;
  • Association: quand le Meneur associe le Canevas avec ce que proposent les Joueurs;
  • Réaction: quand le Meneur crée du Canevas à la volée “parce que cela fait sens de le faire”.

 

 

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L’Intégration est la forme la plus facile et la plus naturelle d’improvisation. Lorsque le Récit évolue dans un sens propice, le Meneur introduit un élément de son Canevas. Moins le Canevas est référentiel, et donc moins riche en détails et cohérences fortes, moins son intégration au Récit demande d’adaptations. En même temps, ces adaptations demanderont probablement un plus grand effort de mise en contexte pour leur donner corps.

Les Aventuriers pénètrent dans le village de Bois-Duc pour les prévenir de l’épidémie de fièvre jaune et le Meneur détermine s’il y a déjà des cas de contagion ou pas.

L’Association est la forme la plus courante d’improvisation. Elle est le fruit de la Conversation et nourrit la majeure partie du Récit. D’un côté, elle demande d’adapter le Canevas à ce que proposent les joueurs. D’un autre, elle crée du nouveau Canevas au fil du Récit. C’est probablement le mode d’improvisation le plus “technique”, car le Meneur doit constamment alterner entre adaptation de son Canevas et apport d’éléments nouveaux.

Le Meneur détermine que Ban-au-Bois n’a pas subi de contagion (Canevas). Mais l’un des Aventuriers est porteur sain sans le savoir (Canevas) et a une aventure d’un soir avec une villageoise (Récit). Le Meneur détermine que la contagion s’étend après le départ des Aventuriers (influence sur le Canevas). Comment les aventuriers l’apprendront-ils? Comment réagiront-ils quand les villageois les accuseront de leurs malheurs?

La Réaction est une forme d’improvisation spontanée. Quelque chose dans la Conversation, souvent impossible à pointer du doigt, déclenche une association d’idées qui engendre une création qui s’impose par sa pertinence vis-à-vis du Récit et du Canevas. Il n’est pas obligatoire, bien au contraire, qu’elle en suive la logique. Juste qu’elle “fasse sens”. On croit souvent que la Réaction est la forme vraie de l’improvisation, que c’est ce qui devrait arriver tout le temps. C’est déjà bien quand cela arrive quelque fois sur une campagne… Et c’est une bénédiction quand cela arrive quasi à chaque partie. Elle peut également arriver entre deux parties, quand le Meneur révise son Canevas.

Techniques d’improvisation

La théorie, c’est bien, mais ça manque cruellement de cette saveur de concret qui fait le sel de ces billets. suite à mes lectures, entre autres de Unframed, je peux vous proposer de cultiver quelques techniques simples:

 

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Connais-toi, toi-même!

Chaque Meneur a ses forces et ses faiblesses. Untel a une mémoire des noms, l’autre des visages. Untel se souvient de chaque détail du Récit, l’autre anticipe toujours des rebondissements époustouflants. Untel rend naturellement ses descriptions passionnantes, l’autre est à l’aise dans les dialogues. L’idée, c’est que le Meneur devrait concentrer sa préparation sur les points où il est le moins fort. Et préparer des documents qui lui conviennent. Un Meneur ICI se contentera de quelques images inspirantes pour ses descriptions, tandis qu’un ACL jettera quelques couples nom-adjectif évocateur [lien]. Un ICI préparera deux-trois Actions (Dungeon World-style) pour préparer une rencontre, tandis qu’un ACL se focalisera de quelques caractéristiques et mots-clé à la Fate.

Dis: “Oui, et…”.

Celle-ci, on peut l’appeler la technique de base du petit improvisateur accidentel. Elle consiste à reprendre une idée lancée dans la Conversation et rebondir dessus. On peut soit la reprendre telle quelle, l’accepter, et vogue la galère (Oui franc). On peut aussi y ajouter des détails, lui donner de l’ampleur, en élargir certains aspects (Oui, et…). Bref, on construit dessus. On peut également faire une nouvelle proposition basée sur la première, et plus conforme à la vision que l’on a du Récit (Non, mais…). Enfin, on peut reprendre la proposition mais en en retirant des aspects qui ne “collent” pas avec le Récit (Oui, mais…).

Plus de techniques d’improvisation vous attendent dans la dernière partie.