Voici donc le deuxième billet d’une série sur les bac-à-sable. Si vous n’avez pas lu le premier, voici une chance de vous rattraper.
Dynamique du bac-à-sable (première partie)
La chose la plus difficile dans un sandbox est probablement de maintenir une bonne dynamique. Par cela, j’entends que les Joueurs aient toujours des idées d’actions, d’objectifs pour leurs Aventuriers.
Le Meneur dispose de quatre approches complémentaires pour instaurer la dynamique de son bac-à-sable:
- l’inclusion d’évènements indépendants
- l’interprétation d’un monde dynamique
- les agendas des PnJs et Factions du Canevas
- l’intégration des Aventuriers dans le Canevas
Dynamique par attrition
La recette de base de la dynamique par attrition est merveilleusement résumée par John Grümph: “Confiez les clés de la machine aux joueurs”. Qui dit machine dit outils. Ici, les outils, ce sont les Règles qui gèrent l’attrition des moyens des Aventuriers (PV, rations, ressources,…). Le manque et la profusion de moyens sont des ressorts d’intrigue sans fin. Quand on n’a pas assez de ressources, on doit se battre pour survivre. Quand on en a trop, on doit se battre contre les envieux. Mais avoir des Règles d’attrition ne suffit pas en soi. Il faut en plus que ces Règles créent du Récit en proposant un flux constant de ces moyens. Le Grümph l’a parfaitement compris dans Oltrée!: la perte ou la récupération de Points de Ressource est au coeur du système.
Dynamique par gratification
La dynamique par gratification ne demande rien de plus que de permettre aux Aventuriers d’atteindre leurs objectifs, voire de changer les choses. Le sentiment d’accomplissement qui s’accompagne de cette gratification pose les fondations sur lesquelles les Joueurs bâtissent leur motivation, et donc leur implication dans le bac-à-sable. Et des Joueurs qui s’investissent, c’est l’assurance d’une bonne dynamique.
Cela paraît évident, mais pour atteindre un objectif, il faut d’abord le fixer. Non, non, je ne fais pas mon Capitaine Évidence! Car tout dépend de la manière dont le joueurs fixent l’objectif de leurs Aventuriers. Entre “vaincre la liche Cormallen” et “tuer son lieutenant le vampire Stokre pour l’empêcher de conquérir Plaineveau”, il y a un monde de différence. La première manière est très vague et fixe un objectif trop lointain et difficilement mesurable. Suffit-il de détruire son armée? De raser son repaire? De détruire son enveloppe corporelle? De briser son phylactère? Etc. La seconde manière est bien meilleure car l’objectif est évident (tuer Stokre) et mesurable (le village de Plaineveau n’est pas conquis). Je ne peux que conseiller au Meneur de s’assurer que les Joueurs fixent un objectif SMART à leurs Aventuriers.
Si on repart de notre exemple, voici comment on peut définir l’objectif “tuer le vampire Stokre, lieutenant de la liche Cormallen, pour l’empêcher de conquérir Plaineveau” selon la grille de lecture SMART:
- Spécifique: tuer Stokre;
- Mesurable: la dépouille du vampire est réduite en cendres;
- Acceptable: c’est suffisant pour empêcher Cormallen de lever une vraie armée de morts-vivants et donc contrecarrer ses plans à court et moyen termes;
- Réaliste: affronter Cormallen dans son antre serait suicidaire, profiter d’une sortie de Stokre pour l’éliminer est à la portée des Aventuriers;
- Temporellement défini: il faut l’avoir tué avant l’attaque de Plaineveau.
Changer les choses n’est pas facilement défini par un ou des objectifs SMART. On va plutôt l’envisager comme une menace perpétrée par les Aventuriers en ce sens que cela transforme le Contexte, voire l’Univers, parfois en profondeur. Cela apporte des bouleversements, voire la ruine de certaines Factions. Le Meneur sait immédiatement quand les Aventuriers ont changé les choses, car cela lui demande un remaniement extensif du Canevas. Il est important de comprendre que pour que les Joueurs se rendent compte que leurs Aventuriers ont changé les choses, il faut que le bac-à-sable soit clairement délimité, qu’il soit fini.
Imaginez un instant que l’impact des actions des Aventuriers soit une bouteille de vin renversée. Si le bac-à-sable est de la taille d’une table, la tâche sera importante, visible comme le nez au milieu de la figure. Si la bouteille est renversée dans une salle de banquet, son importance est largement diminuée et sera vite oubliée. Si c’est sur une immense place publique, elle deviendra quasi anecdotique. À l’échelle de la Terre, c’est une pacotille. Et à l’échelle de l’univers, c’est totalement insignifiant. Pourtant les efforts déployés par les Aventuriers pour renverser la bouteille auront été les mêmes dans chaque cas!
C’est pour cela que, dans mon bac-à-sable des Terres barbares, les régions “civilisées” sur lesquelles les Aventuriers peuvent avoir le plus d’impact sont clairement délimitées et de taille assez modeste. Non seulement le contraste avec les terres sauvages environnantes est d’autant plus prégnant, mais surtout, cela leur donne une véritable opportunité de changer les choses.
Dans la prochaine partie, on causera dynamique active.