Le bac-à-sable: partie 1

J’ai enfin eu le temps de visionner la conférence de John Grümph sur les bacs-à-sable. Comme c’est mon style de jeu préféré et qu’il racontait de belle manière des tas de choses intéressantes sur le sujet, je me suis dit que j’allais résumer le tout à votre intention, sans oublier mes petits ajouts et réflexions personnelles suite à mon travail sur les Terres barbares. Accessoirement, j’avais envie d’un beau pense-bête sur le sujet. En bonus, vous profiterez de ma lecture de Unframed dans la partie sur l’improvisation.

Comme cet article est particulièrement long, je l’ai divisé en quatre parties:

  • Bases théoriques et Construction du Canevas
  • Dynamique du bac-à-sable
  • L’art de l’improvisation
  • L’art de l’improvisation (suite) et Conclusion

Comme son nom l’indique bien, le bac-à-sable est un style de jeu où le Meneur concocte un module libre dans lequel il envoie les Aventuriers faire ce qui leur plaît. Héritier des premiers modules d’exploration de Donjons et Dragons, le bac-à-sable a évolué depuis. Tout comme la compréhension que nous avons de ce style de jeu.

Bases théoriques

John Grümph divise l’espace du bac-à-sable en trois entités qui interagissent les unes avec les autres:

  • l’Univers : contient toutes les connaissances partagées par le Meneur et les Joueurs, tant en terme de Contexte que de Règles. Plus il est créé au fur et à mesure, plus il est émergent. Plus il est détaillé et fixé, plus il est référentiel.
  • le Canevas : c’est le pré-carré du Meneur, tout ce qu’il échafaude dans sa tête et ses notes en terme de Contexte et d’histoire. C’est donc le matériel de jeu que le Meneur peut proposer, le Potentiel Ludique du bac-à-sable (personnages, objets, scènes, fronts, secrets,…).
  • le Récit : c’est le fruit de la Conversation autour de la table, il raconte l’histoire vécue par les Aventuriers et tout ce qui est dit sur le contexte (description et évolution). La Règle d’or du Récit c’est qu’on ne peut jamais revenir sur un élément sanctionné autour de la table par la Conversation.

 

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Les interactions de base découlent de la création du Canevas par le Meneur, et de la création des Aventuriers qui est la première étape réelle du Récit.

L’Univers contraint le Récit à la fois par le Contexte (qu’est-ce qu’on peut jouer comme Aventurier?) et par les Règles. De même, l’Univers nourrit le Canevas des briques constitutives de celui-ci: morceaux de Contexte, et Règles de création (de PnJs, d’épreuve, d’équipement, de communauté,…). Enfin, le Canevas interagit avec le Récit dès que celui-ci débute. Interaction qui ne cessera qu’avec l’arrêt définitif du Récit et donc du bac-à-sable.

Car au fur et à mesure qu’il se déroule, le Récit nourrit le Canevas des apports du Meneur et des Joueurs, par les interactions des Aventuriers avec le Contexte et, en cas de narration partagée, par leur apport au Contexte. C’est également par ces apports que le Récit ajoute des éléments à l’Univers. De manière évidente en ajoutant au Contexte, mais aussi par l’adoption de Règles (avancées ou “maison”). Finalement, le Canevas peut devenir une part de l’Univers s’il est intégré au Récit. En effet, tant qu’un élément de Contexte ou une Règle imaginé par le Meneur n’a pas été sanctionné en jeu, il n’a aucune existence réelle dans l’Univers. Il doit impérativement passer par la case Récit pour ce faire.

Construction du Canevas

Il existe toute une variété de méthodes de construction du Canevas. Certaines sont plus propices à l’improvisation, d’autres conviennent mieux à des Univers émergent, d’autres enfin permettent d’obtenir un Univers référentiel. Il faut bien penser que le Potentiel Ludique d’un Canevas est une fonction logarithmique du temps de préparation. Il y a donc un moment où le Meneur arrête de préparer “pour le jeu” et où il ne prépare plus que “pour son plaisir”.

 

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Le graphique ci-dessus montre l’étendue habituelle de travail selon les cinq méthodes envisagées par John Grümph:

  1. méthode express : on pose un petit nombre de questions orientées sur le Contexte de manière à obtenir rapidement du Potentiel Ludique. C’est la méthode prônée dans Nanochrome.
  2. méthode fractale : on transpose des aspects de Contexte en Règles et on s’appuie sur celles-ci pour définir chaque élément du Canevas. Si je n’avais pas peur des grands mots et concepts, je dirais qu’on pratique l’autoréférencement narratif. C’est la méthode mise au point dans Fate Core.
  3. méthode des listes : on crée des listes d’éléments de Contexte (que l’on souhaite incorporer dans le Canevas) dont on associe des éléments tirés au hasard. La justification des association crée le Canevas. Le sel de la méthode vient des associations parfois étranges, parfois contre-nature qui naissent. On est typiquement dans les transmissions de Technoir. C’est aussi la manière dont le Mythic GME propose des idées au Meneur (détails, évènement aléatoire, interruption de scène).
  4. méthodes des fronts : on définit des arcs narratifs par leur fin, des étapes accessibles aux Aventuriers (comme simples témoins ou pour interagir avec elles), ainsi que les moyens d’actions privilégiés des acteurs de l’arc narratif. On la retrouve sous une forme ou un autre dans Dungeon World et autres jeux propulsés par l’Apocalypse.
  5. méthode exhaustive : on crée un Contexte de A à Z avec ses régions, ses factions, ses communautés, ses ruines, ses PnJs, ses monstres, etc. C’est la méthode “old school”, par exemple des Wilderlands of High Fantasy de Judges Guild, et remise au goût du jour par Oltrée!.

Le Canevas possède une règle d’or: “Rien de ce qu’on prépare n’existe tant qu’on ne l’a pas incorporé au Récit”. Et donc, plus gros est le sachet de billes, moins il faut s’attacher à chacune d’entre elles.

À suivre (Dynamique du bac-à-sable)